Le génie d’Ildefons Cerdà i Sunyer

Né le 23 décembre 1815 à Centelles dans la province de Barcelone, Ildefons Cerdà i Sunyer est issu d’une grande famille catalane ayant fait fortune dans le commerce avec les Amériques. Ouvert d’esprit et passionné par la notion de progrès, il se forme à Madrid au sein de l’Escuela Técnica Superior de ingenieros de caminos, canales y puertos de 1835 à 1841 et devient ingénieur des ponts et des chaussées. 

Tout au long de sa vie, il revêt de multiples casquettes : celles d’urbaniste, d’architecte, de juriste, d’économiste mais aussi d’homme politique. Ces différents titres jouent un rôle fondamental dans l’élaboration du premier plan d’extension de Barcelone qui porte son nom, le Plan Cerdà.

En 1867, Cerdà finalise son œuvre majeure, sa “Théorie générale de l’urbanisation”. C’est dans cet ouvrage de 800 pages qu’il présente son projet de 1859 pour l’expansion de Barcelone, qui donne naissance au terme d’urbanisme.

Pendant la première partie du XIXe siècle marquée par les débuts de l’industrialisation, Barcelone souffre de l’augmentation rapide de sa population et de sa situation géographique. En effet, la ville historique est prise en étau entre la mer Méditerranée et la muraille médiévale qui l’encercle. Après lui avoir permis de résister à sept tentatives de sièges entre 1641 et 1714, celle-ci empêche désormais l’expansion urbaine de la capitale catalane. Elle devient rapidement l’une des villes les plus denses du monde, comptabilisant 93 000 habitants au km² alors que Paris n’en compte “que” 31 000.

Dans ce cadre, la situation sanitaire et sociale de la ville de Barcelone se dégrade inexorablement. La croissance rapide de la population oblige les habitants à vivre dans des conditions précaires et dans des espaces de plus en plus restreints. ​​Il faut savoir qu’il n’existait pas de réseau d’eau potable ni d’égouts, que les eaux souterraines étaient polluées, entraînant la prolifération de maladies comme la fièvre jaune et choléra.

Face à cette situation, le gouvernement espagnol cède face à la pression foncière et autorise la destruction de ces murs d’enceinte en 1854. Dès l’année suivante, le ministre de l’aménagement du territoire espagnol charge Ildefons de réaliser les plans d’expansion de la ville.

Le travail de Cerdà s’inscrit dans le courant de pensée hygiéniste qui apparaît à cette époque. Conscient que Barcelone ne répond plus aux exigences de son temps, Cerdà façonne avec son équipe un projet ambitieux en étudiant deux éléments : la topographie des environs du centre historique et les conséquences de la promiscuité à l’intérieur des murailles.

Il propose ainsi de multiplier par 10 la superficie de la ville, en se concentrant sur l’amélioration de la qualité de vie de sa population. Il met ainsi en avant plusieurs aspects : l’importance de l’éclairage naturel par le soleil, l’amélioration de la ventilation dans les foyers, l’augmentation des espaces verts, la mise en place d’un système d’égouts ainsi que le traitement des déchets. Grâce à ce projet, il souhaite créer une ville ouverte et égalitaire, tout en facilitant la mobilité des personnes, des biens, de l’énergie et des informations.

Ce qui rend le Plan Cerdà si reconnaissable, c’est sa structure en forme de quadrillage, connue aujourd’hui sous le nom d’Eixample signifiant “extension urbaine”. En effet, ce projet se base sur un plan en damier composé de blocs d’habitation carrés. Les blocs, appelés manzanas, mesurent 113,3 mètres de côté et ne doivent pas dépasser les 4 étages. Leurs 4 coins sont coupés à 45° pour créer de petites places vivantes à chaque carrefour dénommé xamfrà. 

La mise en œuvre du plan Cerdà dura presque un siècle. Peu populaire à ses débuts, il fallut attendre l’arrivée de Francesc Rius i Taulet au poste de maire de Barcelone pour que celui-ci donne une impulsion nouvelle à l’extension.

L’Eixample est aujourd’hui le symbole architectural de Barcelone. Sa partie la plus ancienne, appelée la Dreta de l’Eixample, fut la terre d’accueil de la bourgeoisie catalane qui y fit naître un nouveau style : le modernisme catalan.

Au fil des décennies, l’Eixample fut ainsi le lieu d’expression du talent de l’architecte Antoni Gaudí. En s’y baladant, on prend ainsi plaisir à découvrir ses monuments emblématiques comme la Sagrada Família, la Casa Batlló et la Casa Milà. Le quartier dispose aussi de 4 bijoux réalisés par un autre artiste de renom, Josep Puig i Cadafalch : la Casa Amatller, la Casa Terrades, la Casa de les Punxes et le Palau del Baró de Quadras.

Véritable ville au cœur de la ville, l’Eixample est assurément le quartier le plus original de Barcelone, mais aussi l’un des plus agréables à vivre !